dimanche 30 mars 2008

Takana Zion - Zion prophet

L'affirmation selon laquelle le reggae serait mort et enterré depuis le début des années 80 ne choque plus grand monde tant les Sizzla Jah Cure et autres Capleton ont un peu sclérosé le marché, rendant opaque leur musique pour le profane simplement en quête d'un peu d'herbe. Tout le problème du reggae vient de cette idée d'une musique à fumette, du coup peu importe ce que l'on écoute, pourvu que l'on plane. Avec le début des années 90 la scène française connut un regain comme peu par ailleurs dans le monde, la profusion des concerts de "stars" jamaïquaine" et le certain professionnalisme de leur tourneur réussirent à propulser à la face d'une jeunesse dîte alternative un bout de spiritualité rasta, un bout de combat social (la Jamaïque des années 70 ressemblant à s'y méprendre à une Afrique du Sud sous apartheid) et une posture de joueur de djembé dans les rues commerçantes, le tout enrobé d'une musique de grande qualité interprétée par de vieux ténors, les Culture, Burning Spear, Israel Vibration et autre Gregory Isaac arpentant l'hexagone bien souvent avec le même groupe (qui ne se souvient pas à l'époque de ce guitariste lead anglais à moustache ??). Bref, le coeur de l'adolescent français bât la syncope et son esprit de s'emmerveiller au son des tambours africains devenus soudain assez proches. Manjul est de ceux-là, né en 1976, les années 90 déterminérent sans aucun doute son engagement dans cette musique. Et quel engagement ! Après quelques visites aux Comores, à Mayotte et à la Réunion, le multi-instrumentiste Manjul décide de monter son studio au Mali, à l'endroit même où un certain son africain teinté de blues et de spiritualité s'est forgé depuis les années 70. Le studio Humble Ark va alors mixer la diversité incroyable des voix africaines (le Mali et en particulier Bamako figurant comme terre d'exil prioritaire pour une majorité d'africains fuyant les conflits de leur pays d'origine), les mélant aux sons roots concoctés par Manjul qui réussit à y introduire les instruments traditionnels d'Afrique : la Kora, le balafon, le tambour, etc... En 2003, il enregistre un disque avec Baco ("Baco meets Manjul") chez Nocturne, réunissant des sons de l'océan indien avec un roots assez lourd et la voix éraillée de Baco. Se succédent des collaborations notamment avec Tiken Jah Fokaly, immigré ivoirien vivant lui aussi à Bamako jusqu'à ce dique incroyable de Takana Zion qui donne son titre à cet article, un "Zion Prophet" dans lequel éclate toute la grâce d'un chanteur à la voix innouie, quelque part entre l'émotion d'un Bob Marley et la facilité vocale d'un Jah Mason. Takana Zion, Guinéen d'à peine plus de 20 ans, éblouit par sa générosité, chantant tour à tour en anglais, en français et dans ses langues maternelles Soussou et Malinké, il éclabousse de son talent toute la production de Manjul, renvoyant loin dans les cordes cette image du reggae comme une musique apaisée. Rien n'est apaisé chez Takana Zion, il y a une fureur qui transpire dans son blues, dans la chaleur soul de sa voix (on pense parfois à Curtis Mayfield lors de certaines intonations). Alors bien sûr tout n'est pas essentiel dans ce disque, certains refrains en français horripilent gentillement ( sur "Conakry" pourtant magnifique hymne à cette ville ou sur "La voie de Mount Zion") mais l'ensemble offre sans aucun doute un écrin digne de l'une des futures plus belles voix d'Afrique, un chanteur qu'on meure d'envie d'entendre prendre encore plus de risques.





Et une version dub pas très réussie d'un pourtant énorme morceau : Ematoba, dont je vous engage à écouter la version originale.



Je vous mets le clip de Sweet Words qui vous puissiez voir la bobine des deux zozos à Bamako.

jeudi 27 mars 2008

Nicolas repac - Swing swing

Universal est ce groupe détestable pour de très nombreuses raisons, d'abord parce qu'ils ne respectent guère l'extrême qualité de leur catalogue, fruit de véritables chercheurs-découvreurs de musiques, mais aussi pour l'insouciance avec laquelle leur président côté France se fourvoie depuis plusieurs années et de manière tout à fait délibérée quant aux pirates du net, les pourtant vrais pourvoyeurs de son. Il y a vraiment matière à hair cet irrespect teinté d'ironie vis-à-vis des vrais dénicheurs de son, vis-à-vis de ceux qui espérent que ne meurent pas la musique qu'ils aiment et la proposent sur la toile inlassablement, et au risque de se faire traîter de monstres avaleurs de culture, de bandit-manchots du portefeuille. Alors l'on mesure un peu plus l'éxtrême ironie de ces messieurs d'Universal lorsqu'ils créent le label NO-Format, lequel est spécialement conçu par Laurent Bizot (ne me demandez pas le rapport avec l'illustre Bizot, je l'ignore) pour ne recueillir en son sein que des musiques hors standart, hors les murs de la maison mère je dirais. Un ironinceste en quelque sorte. Bref et pour rencentrer Laurent Bizot trouve vite en Nicolas Repac, alors metteur en son et guitariste d'Arthur H la personne toute désignée pour rassembler ces musiques à ouïr d'une autre façon. Or il se trouve que ce même Nicolas Repac est un foutu collectionneur de son, qu'il collectionne ce que les maisons de disques ne collectent plus par manque de temps-profit-flouse-profit-immédiat-rotation-et-temps-de-cerveau-disponible. Ouf, Nicolas Repac est un type intelligent. Il regarde la musique comme un écrivain regarderait la création littéraire, impossible d'évoquer Malraux sans s'en prendre à Hemingway et Céline, de lire Zola sans Balzac etc etc... Nicolas repac se concentre alors pleinement sur le label NO-Format en lui offrant sa seconde référence, l'album Swin swing, immense déclaration d'amour au jazz des années 20/30, aux Ellington, Fats Waller, Cab Calloway, au Cotton Club d'Harlem, bref, il retrouve et réanime ces musiques un peu oubliées dans leur esprit festif et les réintroduit par le mix, les entremêlant avec une science du détail impressionnante, leur offrant un écrin de jouissance sonore, un renouveau au 21ème siècle.

Alors d'un côté il y a les affreux de chez Universal, tueurs de musiques invétérés, qui dans un élan de je-m'en-foutisme libéral, un investissement de par dessus l'épaule gauche, se sont décidés à créer un label assez singulier qui ferait en quelque sorte office de mémoire neuve, étonnant d'ironie libérale, laquelle ne semble décidemment n'avoir plus peur de rien. et de l'autre ce très bel album qui profite amplement des libertés octroyées par ce grand capital. Je dis bravo.


Encore un mot concernant Nicolas Repac et son nouvel album : "La grande roue". Un disque toujours chez Universal, et qui est malgré ses réussites un peu trop proche de l'univers musical d'Arthur H, Nicolas Repac ayant une tessiture de voix très proche de ce dernier. C'est suprenant comme l'oreille cherche alors dans le mimétisme des deux voix à retrouver pleinement celle d'Arthur H. Malgré tout les textes sont vraiment réussis mais auraient sans doute mérité d'être interprétés différemment, peut-être par une voix féminine.

PS : en cliquant sur le titre de l'article vous tomberez sur le myspace de Nicolas Repac, magie d'internet.

Re PS : il ne vous est bien sûr pas inerdit de laisser des commentaires sur ce que vous lisez ici...


lundi 24 mars 2008

Orchestre de la Paillote - Kadia blues

Il y a des merveilles de morceaux, des miniatures de bonheur, on en a tous gravés quelque part dans un coin de tête. Moi c'est cet obscur titre interprété par l'Orchestre de la Paillote, et écouté pour la première fois sur une compilation de trèsors oubliés, et effectivement, pour ceux qui se donneront la peine de cliquer sur le lien plaçé plus bas dans ce message, ce morceau est une merveille. Je dois avouer que c'est davantage le côté désuet voire daté qui m'avait tout d'abord plu. Plus que musicale, mon adhésion est d'emblée venue du son de l'enregistrement. Enfin il y a ce blues conduit d'une main experte par l'excellence du jeu de guitare de Linké Condé, artiste d'une subtilité rare. Tout ça pour dire que c'est par ce morceau que j'ai pénétré plus avant le monde de la musique africaine et en cette matière il y a une somme que quiconque ne peut ignorer : les orchetres nationaux guinéens,. Ceux-ci sont la bonne idée culturelle de l'indépendance guinéenne, laquelle eut lieu en 1958 comme chacun sait. Bref, cette révolution fût le thèatre d'un affrontement avec les valeurs de la colonisation française, lesquelles avaient balayé des pans entiers de cultures locales. L'ambition est alors de renouer avec ce riche passé africain, aux valeurs propres et pan-africaine. Concrétement, il s'agissait de creer dans chacune des 34 régions guinéennes un orchestre, un groupe de musique traditionnelle, une chorale et une compagnie de thèatre. L'émulation naissait de la rencontre de ces orchestres lors de festivals à la capitale. On y enregistrait alors sur bande le fruit des labeurs conjoints de tous ces artistes : le label d'Etat Syllart était né. Le modèle cubain était alors en vigueur, les musiciens des fonctionnaires payés par l'Etat, et leur musique si elle permettait une éclosion artistique réelle dans la population ne remettait pas encore en cause un régime moins démocratique qu'il ne voulait paraître.
Parmi ces groupes, et si je néglige volontairement le Bembeya Jazz National sur lequel je reviendrai bientôt, l'Orchestre de la Paillote fait figure de merveille longtemps cachée. Dirigé par Keletigui Traoré (l'orchestre deviendra après sa nationalisation Keletigui et ses tambourinis) lui-même saxophoniste, la Paillote développait un son incroyable, surtout dû à son guitariste comme dit plus haut mais aussi par la faveur accordée au musiciens de jouer des chorus vraiment rares pour l'époque. Aussi sur "Karan Yarabi" entend-on les chorus succéssifs de Linké Condé, Kerfala Camara à la trompette et Keletigui Traoré au sax ténor.


http://www.fileupyours.com/files/171583/10%20KADIA%20BLUES.wma

Shape of broad minds - Craft of the lost art

L'album Hip-Hop de l'année 2007 a été servi par le multi pseudos shape of broad minds aka Jneiro Jarel aka Jaawwad aka Nashuma aka Dr who dat, bref, un type qui prend les multiples collaborations et featurings avec humour. Chez Lex, il est rare que ça rigole avec l'artwork d'un disque et ce Craft of the lost art n'échappe pas à la règle, avec ce sens du petit détail qui tue,la couverture étant fluorescente. En trois ans trois gros disques ont préparé le public à recevoir cet album, avec dans un premier temps "Tree piece puzzle" par Jneiro Jarel, un disque qui fourmillait de pistes diverses et malgré un titre qui aurait pu le rendre abordable aux plus neuneus d'entre-nous se révélait tout de même un poil ardu. La claque vînt avec classe et brio autour d'un disque muet (tout un concept vous en conyiendrez) le Beat Journey de Dr Who Dat qui assemblait des sons venus du Brésil et globalement d'Amérique Latine pour un trip abstract Hip-Hop des plus réussis et énivrants, même si l'abord toujours un peu rêche de sa musique ne conférait pas à ce disque un apprentissage des plus aisés. Mais ces flutes légères, ces beats costauds, ce style indéniable et cette virtuosité de façonnage sonore, tout concourait à encourager le beat-maker dans cette voie. Disque de collage réussi, Beat Journey conduisit naturellment Jneiro Jarel au développement d'un Ep sous un pseudo peu employé (ou pas ?) jusque là : shape of broad minds, un esprit bien large et libéré pour convier en son sein des sensations oubliées de "l'art perdu" et les considérer avec l'habileté de l'artisant, ce qu'est avant tout un producteur au sens Hip-Hop du terme : Shape of Broad Minds - Craft of the lost Art.
Il s'agit d'un grand disque un peu malade qui réunit la crême des hip-hopeux underground avec MF Doom, Lil Sci et Count Bass D. Craf of the lost Art enchaîne les morceaux réussis tout au long de ses 23 pistes, les "Changes", "Let's go", "Buddafly away", "mermay" sont autant de titres ciselés, garantissant un concept sonore maîtrisé complétement, et aux lyrics toujours justes et jamais vaines. Bref, voilà pour ce disque indispensable bien que difficile et pas nécessairement pensé pour les dance-floor...
En écoute le magnifique Let's go et ses sons entêtants, fruits de la collaboration d'avec MF Doom.






jeudi 20 mars 2008

Strange fruit Project - The Healing

Il faudra bien un jour qu'un critique finisse par l'avouer, le Hip-Hop des années 2000 est loin d'égaler en qualité les sorties des deux décennies précédentes. Il n'y a plus de cette émulation du Golden age ou ces espèces de tremblements de terre qu'ont figuré à leur sorties des disques aussi variés que le "It takes a nation of millions to hold us back" de Public Enemy, "Illmatic" de Nas ou encore le "Enter the Wu-Tang (36 chambers)" du Clan. Cet age là paraît loin, le mot à la mode est devenu "producteur", il est l'homme à tout faire du Hip-Hop, celui par lequel le beat arrive et permet l'ascension des charts. Mouais, même s'il faut reconnaître à ces beatmakers tels Madlib, Jay Dilla, Prefuse 73, 9th wonder, ElP et moultes autres tarés de la console studio un réel talent (suffit d'écouter les sons concoctés par Madlib pour le Percee P pour se convaincre deson énorme talent, il suffit d'embrasser du regard la foules des productions commises par Jay Dee durant son existence pour vouloir subitement ordonner sa canonisation, et pareil évidemment pour Prefuse, 9th wonder, Jneiro Jarel, Ohmega Watts, etc). Mais tous ces disques même s'ils sont techniquement parfaits, conceptuellement très pensés (le dernier Prefuse 73 remporte ici la palme), c'est artistiquement que les questions se posent en plus grand nombre. Quel crédit accorder sur le monde extérieur (la Rue si chère au Hip-Hop) à un gars qui ne fait qu'entrer dans son studio et se ficher derrière une console (je schématise bien entendu) ? Un gars qui ne fait que convoquer des emcees sur la foi de leurs préstations passées, que vaudrait cette démarche là ? En quoi le produit fini nous renseignerait-il sur le quotidien de la Rue américaine ? Alors lorsque les esgourdes se posent sur les quelques disques de groupe que produit encore le Hip-Hop, c'est toute la presse qui s'emballe (voir cette dernière en 2005 au sujet de little Brother). Or avec ce Strange Fruit Project au nom si particulier pour la conscience noire-américaine, nous retrouvons un album d'un ton assez propre, au timbre non pas inédit car soulfull mais bel et bien personnel, leur son à eux en somme. Strange Fruit Project c'est trois emcees producteurs : Myone, Symbolyc One et Myth tout trois originaires de Waco, Texas. Ca forge un caractère. Et naturellement Erykah Badu intervient dans ce disque en tant que régionale de l'étape et sur un titre particulièrement réussi, surement ce qu'ellle a fait de mieux depuis sa participation au "Electric Circus" de Common. Voilà donc un très bon disque, qui ne fait pas durer le son artificiellement, avec beaucoup de très bons tracks et un morceau monstre : "Ready Forum". Enjoy !



mercredi 19 mars 2008

Duke Ellington - Money Jungle

Au moins aussi culte comme collaboration que comme marronier, voilà un album que même le fan hardcore d'Anny Cordy se devrait de possèder, l'unique album de jazz, le disque danslequel tout est parfait, des blazes sur la pochette aux impros des mêmes loustics sur les plages : Money Jungle où le jazz version culte ! Parce que des disques comme ceux-ci, qui convoquent un casting rêvé, il y en a quand même énormément qui sont de retensissants flops. Souvenons-nous de ce "tenor madness" et ses quatre mesures partagées entre Sonny Rollins et john Coltrane, quelle déception ! Mais rien de ça dans ce disque qui s'ouvre merveilleusement sur "very special" et ses notes aériennes placées sur le clavier par the Duke. A peine l'esquisse d'une mélodie. Derrière, Max Roach joue des balais sur la caisse clair et Charles Mingus s'empare d'une ligne de basse d'un autre monde : le décors est planté. Ellington délaisse bien vite le canon standard de sa mélodie et s'en va jouer avec Mingus en entâmant un dialogue impensable : la main gauche du Duke refaisant la mélodie lançée sur son manche par Mingus, tout simplement magnifique. Le roulement de caisse clair final ponctue le morceau comme un éclat de rire génial. "A little max" morceau suivant poursuit sur cette voix tandis que le dialogue s'ouvre ici davantage entre Mingus et Max Roach, laissant la part belle au démantélement du thème par son auteur Duke Ellington. Sans égrainer un à un chacun des titres de ce disque culte parce que parfait, il ets tout de même nécessaire de relever deux morceaux fondamentaux, presque fondateurs du jazz moderne : "Fleurette Africaine" et "Caravan". Ecoutez ça et vous pourrez mourir, comme après une bonne margarita.



En parlant de collaboration et en restant chez Ellington, il y a ce disque pour lequel on se serait damner si seulement il avait été réussi. La rencontre au sommet de deux géants, des deux grands artistes noirs qui ont su dans les années 40/50 imposer leurs orchestres à New-York, au Etats-Unis et dans le monde. Et pourtant ces deux grosses pièces d'artillerie du Swing ne vont produire qu'un album médiocre dans lequel les deux personnalités ne se rencontreront pour ainsi dire jamais vraiment. Il suffit d'ailleurs d'entendre Armstrong embrasser littéralement son interprétation de "Solitude" de sa générosité, laquelle ne suffisant pas à rendre ne serait-ce qu'un centième de l'émotion véhiculée par le trio Mingus-Roach-Ellington sur "Money Jungle" sur ce meêm morceau. Ellington ne se livre jamais dans ce "Great Summit", la trompette d'Armstrong tempête tant et tant qu'elle ne trouve jamais le clavier du Duke, lequel demeure desespérement vide de toute émotion franche. Le Duke accompagne le grand Louis finalement bien plus mal que ne l'aurait fait n'importe quel quidam habituel du grand trompetiste. Toutes les rencontres ne sont pas forcément de belles rencontres et malgré les photos souriantes qu'on associe à tort à des souvenirs heureux.


dimanche 16 mars 2008

Bof.

Je me suis levé ce matin avec l'envie de parler de choses lues, vues et entendues, et, aléas du dimanche matin en compagnie de deux gnomes, j'ai d'un coup d'un seul trouvé tout cela bien fade et moche, comme un relent de sarkozysme matinal. Bref, j'avais dans l'idée de faire un article de cent lignes ou plus sur le dernier Lupe Fiasco, le bien nommé "The Cool", parce que bon, même si ça reste du Hip-Hop de bande FM dans tout ce qu'il y a de plus rassembleur (c'est une qualité quand même) mais parfois aussi racoleur (là c'est un défaut), il fallait bien relever que ce disque est un concept-album, quelque chose d'assez éloigné de l'esprit Hip-Hop, lequel lorgne davantage vers des formats courts mais de 21 plages dans chacune desquelles ledit rapper peut se projeter en star du sex, star du quartier, star de sa maman, mais qu'il faut aussi étudier et pas glisser vers une mauvaise vie. Bref, un concept-album annonçait quelque chose de différent dans un univers Hip-Hop récent un peu sclérosé, alors si "The Cool" ne comble pas vraiment les attentes, certains titres sont tout de même de vraies tueries et il faut bien reconnaître à Lupe Fiasco qu'il possède une réelle vision de son rap et une manière tout à fait particulière de l'exercer.
Oui mais voilà, la noirceur absolue des dimanches matin girondins reprend petit à petit son droit péremptoire et univoque, ce mood un peu flou, cette attente d'un hypothètique télé-foot sur la une, tout cela rend nulle et non avenue mon envie préalable de causer un peu de ma relecture hier soir du Patton de Robert Crumb et de creuser vers sa vision complétement pessimiste de la musique moderne et contemporaine, cette "pop" comme il la désigne dédaigneusement. Et c'est vrai que cette culture du dernier cri, de la dernière tendance ou mode qui remplace petit à petit l'acte culturel par un bête acte d'achat compulsif, du vite acheté vite lu vite oublié, tout cela devient un brin urticant il faut l'avouer. C'est donc sereinement qu'il faut aborder Robert Crumb, pas comme un pape du comics underground américain des années 60-70, non, il faut le prendre comme un type un peu sage, passionné de ce blues magnifique et non-amplifié des années 20, une musique faîte par des hommes incroyables, débauchés, soulards et bagarreurs, mais surtout des artistes au talent éphémère, à peine gravé sur des 78 tours ; bref, il faut prendre Crumb comme un type qui aime la musique pour les émotions qu'elle propose et non pour les élucubrations qu'elle vend.
A propos d'élucubrations, il y aurait tant à dire, mais hein, pas le dimanche matin....

jeudi 13 mars 2008

Beans - Only

Vous qui vouliez du Hip-Hop dans le texte mais pas trop dans l'attitude, vous qui lisiez Les Inrocks il y a moins de dix ans, vous là, vous, vous n'avez pas pu louper ce formidable groupe New-yorkais apparu à la fin des années 90 : Anti-Pop Consortium. Mais oui, avec ce disque à la pochette jaune ! Bref, in the earlies 00's, c'était Anti-Pop qu'il fallait écouter. Le groupe connut grâce à une presse énorme un succès tout aussi retentissant, et avec le recul complétement juste : les albums "Tragique Epilogue" et "Arrythmia" resteront assurément parmi les dix ou vingt disques Hip-Hop des années 2000. Bref, Anti-pop c'était Beans, High Priest, M. Sayyid et un producteur Earl Blaize, mais c'est de Beans dont il va être question ici. Alors il faut bien le dire, les tentatives solo de chacun des membres du groupe ne furent pas vraiment couronnées de succès( mis à part le formidable EP de Beans "Now, soon, someday") . Et donc assez légitimement, l'ego surdimensionné qui leur avait fait plier l'Anti-pop les rendait incapable de produire de façon humble des tracks de qualité. C'est à ce titre que cet "Only" de Beans est intéressant, d'abord parce qu'il est le fruit d'une collaboration avec deux grands personnages du jazz New-yorkais, le contrebassiste William Parker et le batteur Hamid Drake et ensuite parce que ce disque est avant tout le fruit d'une recherche artistique et cérébrale, un terrain déjà fortement balisé dans le Hip-Hop par Anti-Pop Consortium. Beans partait donc en terrain connu. L'idée des deux jazzmen est de reprendre les beats de Beans avec des instruments, le résultat en devenant complétement hypnotique, Beans plaçant ses textes de façon tout à fait organique, scandant presque à la façon d'un Gil-Scott Héron dans les 70's, ce qui fait que chacune de ses interventions devient géante et complétement légitime. Elle ne casse en rien l'hypnose fournie par Drake et Parker, elle permet au contraire de s'y installer à un degré encore supérieur. C'est ici l'accoustique qui parle et paradoxalement, l'impression ressentie est celle d'un vaste concert avant-gardiste, cette sensation de pouls, de sang qui bat rythmiquement donnent à découvrir ce rap d'une façon quasi orgasmique.
PS : je ne trouve pas de morceau sur la toile à vous faire écouter, so...., en cliquant sur le titre de l'article, vous tombérz sur le myspace de Beans, histoire de vous faire une idée.

lundi 10 mars 2008

Sam Cooke - Night Beat

Le confrère Dampremy causait il y a quelques temps sur sa page de ces albums cultes, de ces disques imparables, des tueries qui ont fabriqué leur époque et le futur musical de générations entières. Si lui parlait surtout cold wave et 80's, je répondrai ici par les premières notes paradoxalement gospel du véritable premier album soul : Sam Cooke' night beat. Ce disque fut une révolution pour beaucoup de raisons, d'abord parce que pour la première fois un ingénieur du son eut l'audace folle de pousser la voix du chanteur au dessus des arrangements et que d'une façon inédite l'organe pourtant alors déjà connu de Sam Cooke se laissa entendre d'une manière tout à fait incroyable. Le chanteur, alors artiste habitué à truster les charts, prit le risque de ralentir le tempo, de laisser la chanson, son corps, s'exprimer plus fondamentalement, il prit le risque d'ouvrir son coffre à des vibrations lentes, plus charnelles, plus sensuelles, il risqua cette mise à nue impensable avant cela. Ce disque inventa la soul, et bonheur, en fît aussi un album dîvinement réussi, ce qui aurait pu ne pas être forcément le cas.
C'est donc d'abord cette voix qui s'impose et puis ensuite cette succession de sans-fautes, gospel, blues, r'n'b, Sam Cooke enchaîne les compostions tradionnelles et les siennes propres toujours de cette façon caractéristique, épellant presque les mots qu'il nous semble alors pour la première fois réellement entendre, presque saisir. Toute cette tristesse du blues va éclater dans la soul music quelques années plus tard et accompagnés d'une avalanche de hits, les Marvin Gaye, Curtis Mayfield, Al Green, Sly Stone, Issac Hayes sont tous le produit de ce disque, de ce "Night Beat" qui changea une fois pour toute le rapport black au tempo, qui s'appropria la lenteur, ce tempo africain pour exprimer la chaleur des corps, la sexualité, les amourettes, mais aussi les tentions raciales, la lutte pour les droits civiques et toute cette merde raciste de l'époque .
Avec "Night Beat" Sam Cooke devient le premier artiste noir à faire beaucoup d'argent avec sa musique, il est la preuve pour tout une communauté que la réussite peut intervenir tout en choississant ses propres armes et même dans un système blanc. Melvin Van Peebles ne fera rien de bien différent quelques annèes plus tard avec son "Sweet Sweetback's baadassssss song", s'emparant de 23 millions de dollars de recette au box-office pour un investissement d'à peine 100 000 dollars, soit l'une des plus grosses plus-value d'Hollywood. Sam Cooke prouve tout ceci avec ce disque, il justifie qu'il y a un public noir au USA en 1963, qu'il consomme, qu'il a une culture propre et qu'il est capable de vivre en dehors des clous plantés par un régime blanc.
La soul music arriva en Amérique en 1963 avec un grand cou de pied dans la gueule, deux ans plus tard le ghetto de Watts brulait.

dimanche 9 mars 2008

Keiichi Koike - Ultra Heaven

Dans un futur assez proche, assez réaliste, un futur fait comme notre présent de villes tentaculaires, de grandes barres d'habitation, de nourriture lyophilisé, de télévision mais surtout de défonce, le jeune Kab cherche la pompe ultime pour se défoncer. Ce monde est un gigantesque panard pour tous les junkies en puissance : l'usage de la drogue y est libre, imaginez. D'emblée, Keiichi Koike nous oblige à accepter cette légalisation des drogues comme une détente obligatoire, un passage obligé après le travail de la semaine, il s'évite ainsi les dizaines de pages consacrés à la description du monde anticipé. L'entrée dans ce manga se fait donc brutalement, Keiichi Koike explose litteralement de son talent graphique les représentations des trips de ses personnages. Il est capable de rendre compte de tout : de cet état moléculaire dans lequel la perception perd tout fondement, de ces passages de réalités ralenties, quand le défilement ne fonctionne plus, Koike dessine tout cela. Avec sa plume il sait tout faire, il éclate les corps et l'espace de perception dans toute la planche, déconstruisant méthodiquement les corps normalement unifiés. Il structure ainsi toute l'avancée de son récit dans la défonce de son personnage principal. Ca pourrait paraître de prime abord plutôt ambitieux mais force et de constater, et malgré la difficulté de l'entreprise, que l'auteur y parvient sans accroc, jonglant entre les différentes strates de réel, libérant les rêves de Kab au point que de réalité le lecteur n'est plus capable de déterminer.
Au début du second tome, l'auteur nous renvoit à Descartes et à son "cogito ergo sum" par le personnage d'un responsable de secte, un type que ses travaux guident vers les différents états de conscience du cerveau humain et qui parvient par la démonstration à prouver que la réalité est unique et n'appartient qu'à chaque individu, autrement dit que chaque individu fabrique sa propre réalité, et que cette dernière n'est divisible que sur un très faible dénominateur commun avec autrui. Descartes disait "je pense donc je suis", Koike réplique en disant "le réel n'existe que par mon rêve", ce qui est un peu la même chose, c'en est une version pop en quelque sorte. C'est évidemment là que ce manga trouve son originalité, dans ces différents degrés de lecture et alors même qu'il paraissait anodin et se perdait ligitimement dans la masse des sorties. Et pourtant il y a beaucoup du trait d'Otomo dans ce manga, il y a aussi de cette ironie grinçante propre à Taiyou Matsumoto et de la très grande facilité graphique de Moebius, trois références sans doute lourdes à porter mais qui accompagnent sans difficulté la lecture des deux tomes que compte cette histoire.

samedi 8 mars 2008

Terry Callier - What color is love ?

J'ai actuellement une passion débordante pour la Great Black Music. Ca va de la Deep Soul un peu oubliée de Doris Duke ou de Carla Thomas jusqu'au Free Jazz totalement décomplexé d'Ornette Coleman et d'Albert Ayler en passant par la soul depuis ultra populaire des Stevie Wonder, Curtis Mayfield, Marvin Gaye et James Brown . A la lisière de tout cela se trouve un artiste assez particulier : Terry Callier. Un beau black au look un peu intello qui chante des chansons d'amour accompagné de légers arpèges de guitare, ce type assez classe qui ne parlerait en 1972 pas seulement de ségrégation et de noir ghetto, mais qui aurait aussi digéré l'influence de toute la vague blanche et folk des années 60. Les arrangements faits de cordes douces mais aussi lesbasses vraiment puissantes, dignes de Curtis Mayfield, une sorte de groove champêtre, mais sans pour autant tomber dans la miêvrerie; bref, tout cela confère à cet album un goût particulier, un disque comme il en existe peu et qui permet d'établir des ponts entre les cultures blanche et noire. C'est assez rare en musique pour être signalé.
"Is it wrong or is it right, is it black or is it white, what color is love ?" J'aime assez ce type de problèmatique dans une chanson. Ca pourrait sembler simplement con, mais c'est aussi un peu plus profond que ça. Après la révolution sexuelle, la blanche, c'est un peu du black' sexual healing que l'on met dans la société. Cette couleur de l'amour est ici revendiquée par l'artiste. Et moi ça me fait marrer.

De toute façon, j'aurais beau écrire toutes les conneries possibles sur ce disque, vous en resteriez comme moi sur cette magnifique jeune femme de la pochette, qui ne semble attendre que vous.




Bref, je tache d'apprendre comment on peut bien greffer de la musique via un lecteur dans un article et je vous pose deux morceaux essentiels : "You goin' miss your candyman" et "Dancing girl".





vendredi 7 mars 2008

Aucune raison à ce Blog

Donc voilà, aucune raison précise à ce blog d'exister sinon la volonté farouche de faire comme tout le monde mais bien entendu, de façon unique. C'est là l'occasion de partager quelques lectures, humeurs, écoutes et diverses expériences culturelles et personnelles. Rien de dramatique sauf bien sûr ma triste prose de triste sire.

A propos j'écoute en ce moment même le Tical de Method Man. En voilà un album triste. C'est bien simple, on dirait un bout de charbon.

Un "bout-de-charbon-brûlant", j'en connais au moins quatre qui feraient 14 chansons avec ça, Zazie irait même jusqu'à en titrer son dernier concept-album.

Ca commence donc par ce billet pas drôle du tout et à propos de rien non plus.

Ca m'éxcite réellement.

Ouf.