mardi 30 septembre 2008

Taxi Taxi !

Deux voix jumelles pour deux soeurs venues du pays du froid. Made in Europe mais furieusement orientée folk made in America dans ses avatars récents tels qu'Alela Diane, Mariee Sioux et même Cat Power la soul en moins. Ca glace et on se les gèle grave sur cet EP. Six titres comme autant de petites perles tout juste sorties du freezer, pensez, ces demoiselles n'ont que 17 ans. Oui mais alors quelle envergure, quelle drame que leur deux voix mélées. Je rêve ou on se les gèle sur cet EP ?
Deux ou trois mots pour situer davantage ces deux jeunes filles. Le disque est produit par Rumraket, le label fondé et géré par Efterklang, l'autre version du froid, nous dirons l'hiver pour Eflterklang, l'été pour Taxi Taxi ! C'est Talitres Records qui s'occupe de la distribution française, ce sont des gens de qualité, même qu'ils sont Bordelais !
Et allez donc sur le myspace des filles écouter "Mary", vous m'en recauserez, si si...

Leon Thomas - Blue and the soulful truth.


Parmi les choses que j'adore faire il y en a une qui me plait particulièrement, et qui plus est, elle est contingente du fait d'être parent, alors ne boudons pas notre plaisir, si rare. Prenez un bébé entre 0 et 12 mois, allumez la chaîne hi-fi, placez-y un disque, n'importe lequel. Je n'ai pas précisé qu'il était évidemment l'heure de la sieste vous l'aurez immédiatement compris. Bref, il faut que le mioche soit de bonne constitution, vous vous allongez sur le dos sur le canapé, le môme est placé sur votre bras gauche (ou droit, c'est pas non plus une science exacte), sa tête reposant sur votre épaule. C'est parti pour une sieste magnifique, entrecoupée alternativement de moments de veille et de réveil. Avec Colline notre disque de l'été était indéniablement l'album de José James, parfait en tout point, s'écoute même en dormant.
Ce disque de Leon Thomas convient lui aussi parfaitement. J'ai déjà parlé de Leon Thomas ici, pour n'en dire que du bien. D'ailleurs je ne retiens plus que le meilleur des artistes, on a bien trop peu de temps. Leon Thomas est un chanteur noir-américain, surtout connu pour ses apparitions fulgurantes aux côtés de Pharoah Sanders et surtout connu du grand public (ahahaha, trêve de taquinerie), et surtout inconnu tout simplement. Leon Thomas est un chanteur à la voix grave et puissante, jouant sur les mêmes tonalités profondes et denses que Gil Scott-Heron. Ce mec était incontournable pour le public noir des années 65 à 75. Leon Thomas participait aux grands enregistrements, sa voix "yodulait" comme personne, et ses textes libérait toute une population. Parce que bien sur des deux on retient (à peine) maintenant que Gil Scott-Heron bien entendu. Je lis partout quel grand poéte il était. C'est vrai. Et quel bon chanteur. Et c'est vrai également ! Quel sens du swing de la soul et du funk ! Bon dieu c'est vrai, archi vrai ! Mais merde, le gars Leon Thomas enregistre comme Scott-Heron chez Flying Dutchman, comme Scott-Heron c'est Bob Thiele qui s'occupe de ses sessions, et tout comme Scott-Heron Leon Thomas écrit de pures joyaux qu'il interprête comme personne. Je rappellerai seulement que Bob Thiele, c'est juste l'homme de John Coltrane, celui par qui Impulse! est devenu ce chantre de la new thing. Ca vous pose un mec.
Blues and the soulful truth fait d'abord immédiatement référence au The Blues and the abstract Truth enregistré dix ans plus tôt par Oliver Nelson et qui célébrait les racines blues de la New Thing. Ici Leon Thomas fait de même avec la soul et je vous l'ai déjà tartinné en long et en large sur ces pages, la soul c'est du blues ! Moi c'est même Sam Cooke qui me l'a appris. Bref il y a deux autres hommes importants sur cette session si l'on enlève Leon Thomas himself et Bob Thiele, ce sont Stanley Clarke d'une part, l'homme basse qui commence à jouer partout et à proposer partout son talent éclatant et d'autre part Pee Wee Lewis, producteur du disque mais aussi sideman de grand talent à l'alto-sax. Voilà donc ici réunis quatre grands talents plus une floppée de musiciens, l'esprit de John Lee Hooker est même convoqué le temps de la reprise de son Boom-Boom-Boom, et pour le reste, let's go soul-blues. L'album court sans anicroche et augmentant crescendo la filiation évidente soul-blues.
Alors si Leon Thomas n'atteind pas sur ce disque l'intensité d'Oliver Nelson sur l'album référant, il demeure tout de même un disque immédiatement agréable à l'oreille, un disque de soul-blues, de cette musique qui fait danser les gonzesses et sublime unpeu plus le peuple noir. Idéal pour la sieste.

mardi 23 septembre 2008

Relent

Si je n'avais bu deux bières ce midi j'aurais aimé vous parler du dernier Herman Düne, vous dire combien il était à la fois horripilant et complétement magique. J'aurais pu vous dire comment de trois frangins on passe à deux en perdant un petit peu de cette âme juvénile qui faisait "They go to the wood" ou "From that night". Il n'empêche que même sans l'autre, même dépouillé, Herman Düne convainct aussi, parce qu'il existe en eux toujours cette science de la mélodie, du vers bouleversant, et que la voix de David Ivar fait souvent tout basculer en une seule note.
Si je n'avais bu deux bières j'aurais tout aussi bien pu vous parler du dernier album de Keziah Jones, dont ma foi je ne retiens pas grand chose. Une resucée du précédent, l'ambition de plaire au plus grand nombre se laissant entrevoir malgré tout. Pourtant Keziah Jones n'a pas son pareil pour faire exister trois accords, il sait les faire sonner comme personne. A voir en live, et le public de bouger, et le grand Nigerian de quarante ans de faire se mouvoir les corps.
Si je n'avais pas bu deux bières j'aurais finalement bien pu dire à Dampremy que le sample de "If I" de Raashan Ahmad ne vient pas de Gil Scott-Heron (ce mec est un génie, si si !) mais bel et bien de Jon Lucien sur l'album Rashida, merveille de soul aux influences caraïbes et sur le titre "Would you believe in me ?"
Enfin bref, si je n'avais pas bu ces deux fameuses bières, j'aurais tout aussi bien pu vous chantez un air à ma façon, vous parler du Gil Scott-Heron écrivain, toujours et encore de Dwight Trible et de son "Africa" hommage à Coltrane et franchement insurpassable, mais putain, après deux bières, j'ai vraiment la flemme. Bonjour chez vous.

dimanche 21 septembre 2008

Franck Bourgeron - La sainte Trinité, fantaisie religieuse

Alors que la première chose qui éclate quand on attrape un album de Franck Bourgeron est la qualité de son dessin, je dois avouer quant à moi que c'est surtout la façon unique qu'il a de faire dialoguer les personnages qui me fait sans cesse revenir vers ses livres. Faut dire que la BD offre souvent un spectacle bien pauvre, une sorte de taudis culturelle lorsqu'il s'agit de faire simplement communiquer les personnages entre eux. Il y a des erreurs de ton, de choix de mots, la faiblesse globale du vocabulaire, bref, lorsqu'on quitte les super-champions Ibn AL Rabin, Vanoli, Baladi ou Joann Sfar sur klezmer (j'en oublie volontairement des camions entiers, hein), on se retrouve avec une collection de beaux dessins, reliés en albums, et qu'on va gentiment placer sur l'étagère. C'est tout de même décevant.
La Bande-dessinée brille avant tout par son dessin, sa formidable richesse graphique lui permettant de proposer des univers aussi variés que la SF de Léo sur Aldébaran ou le Paris n&b de Tardi sur Brouillard au pont de Tolbiac, les super-héros américains, le minimalisme de Trondheim à ses débuts, le style pompier germé dans les années 80, bref, tout un spectre franchement réjouissant pour qui aime à contempler de beaux dessins. Oui mais la BD c'est surtout l'art de la séquence, c'est à dire de ce que l'auteur réussit à faire naître entre une case et sa suivante. Pour moi cette fluidité naît bien sur du talent graphique de l'auteur, la scène se devant d'être lisible mais surtout par la qualité intrinséque de ses dialogues qui doivent permettre le cheminement naturel d'une case à l'autre. le bon dialogue ne rompt pas le rythme de lecture, sauf si l'auteur manifeste cette volonté et qu'elle enrichie l'album par sa construction. Je lisais dernièrement La Fièvre d'Urbicande et, bien que développant un univers foisonant et passionnant, cet album pêche malgré tout sur les points relevés plus haut, tout y est parfait, sauf que lorsque les personnages s'adressent la parole, l'impression qu'ils ne se connaissent que depuis 5 minutes demeure à chacune de leurs interventions.
Franck Bourgeron pratique l'art dialogué magnifiquement, osant un vocabulaire élevé et sur cette Sainte Trinité pratiquant même jusqu'à une sorte de théatre dessiné, la situation appelant Brecht de tous ses voeux. Il s'agit d'une fantaisie, et religieuse de surcroît. Elle met en scène un grand d'Espagne chrétien, son valet juif et un vendeur ambulant, musulman. Tout ce petit monde refait le monde et son rapport à celui-ci en plein milieu d'un désert. La soif appelle les deux premiers, sans le sou, tandis que le troisième, glaçière en bandoulière se refuse de leur donner quoi que ce soit sans une retribution sonnante et trébuchante.
Il est évidemment plus que plaisant de lire cette fantaisie, qui place Dieu au centre de la dispute alors même qu'il s'agirait simplement de manger ou de boire, Franck Bourgeron a parfaitement su diriger notre regard vers cette illusion de problème, illusion qui convoque Dieu alors même que le Proche-Orient crêve la faim. Il s'agit d'une fantaisie, l'absurdité de la situation le rappelle sans cesse et pourtant cet album reste longtemps en tête après sa lecture, à la manière du Archipels de Bézian. Lui aussi convoquait Brecht mais aussi Joyce et quel regal !
Franck Bourgeron proposait avec Extrême-Orient puis Aziyadé deux livres fortement imprégnés d'Histoire, ou en tout cas dont la contingence épique relevait de celle-ci. La Sainte Trinité l'éloigne de cet univers pour le conforter dans une élégance graphique indéniable, tout parait facile à dessiner chez Bourgeron, mais surtout l'impression vivace que le dessin permet à l'histoire d'exister au delà de lui-même, renforce l'action et permet à l'auteur d'exprimer ensuite par les mots toutes les situations envisagées.





lundi 15 septembre 2008

Daisuke Ichiba

Trouvée sur le blog de Joseph Ghosn, cette image d'Ichiba Daisuke m'obsède (un peu) ce matin. Et bonne journée à vous.
Edit, je rajoute un lien assez correct qui informe vraiment bien sur Ichiba Daisuke :

dimanche 14 septembre 2008

Dwight Trible & the life force trio - Love is the answer

C'est d'abord le Ninja Tune aposé comme un blason à l'arrière du disque qui étonne, ColdCut en Californie ? Du Jazz au catalogue ? De quoi attiser n'importe quelle curiosité, pourvu de n'être pas trop obtus. La seconde interrogation vient après avoir regarder le liste des producteurs : Madlib, Sa-Ra, Daedelus, Carlos Niño et même la talentueuse Georgia Anne Muldrow, le hip-hop aventureux s'invite ici, très bien.
Dwight Trible est l'actuel chanteur du Pharoah Sanders Quartet, autant dire l'archétype d'un chant technique, primal dans ses intonations, respirant un souffle d'avant-garde, de rupture avec la scène jazz mainstream, tout sauf le stéréotype du chanteur jazz de cabaret en gros. Il est de la lignée des Abbey Lincoln et des Leon Thomas, un chant d'éxhumation des souffrances, un chant tout droit sorti de la terre du sud, des sillons noirs d'années d'esclavage. Dwight Trible propose cette voix-là, techniquement capable de tout chanter, qui oscille dans un registre très large, un Gil Scott-heron ou un Isaac Hayes comme note basse et un Stevie Wonder en haut du spectre musical. Alors l'avant-garde Hip-hop du moment, les habitués des labels Stone Trows et Ninja Tune justement, s'empressent de tisser un écrin electro à la voix d'or noir de leur hôte. Et c'est magnifique de profondeur. On aurait pu légitimement craindre un objet difforme un peu new-age, tous à poils sur la plage mais il n'en est rien, c'est seulement un grand disque qui nous est proposé ici. Quel bonheur que ces "Equipoise", "Is Life", "Love is the answer", "Life force", ou le featuring impeccable de Lil Sci des Scienz of life sur le non moins réussi "I was born on planet rock" sur lequel la voix de Dwight Trible s'invite plutôt que ne chaperonne le morceau. Grand disque indéniablement.

Love Is The Answer - Dwight Trible

Nicolas Juncker - D'artagnan, journal d'un cadet

En découvrant le palmarés d'Angoulême à la fin janvier 2009 vous verrez indubitablement ce D'Artagnan, journal d'un cadet s'afficher tout en haut de l'une ou l'autre catégorie. 260 pages d'une aisance remarquable, sans esbrouffe graphique particulière, et où perce de la part de Niclas Juncker un immense amour pour ses personnages. Voilà pourquoi cet album aura un prix, et aussi parce que la concurrence est dans les choux depuis le début de l'année 2008. A peine deux albums marquants en FB et nous arrivons déjà dans le dernier tier de l'année.
Alors, qu'ont de commun le si remarqué Spirou de Bravo et si transparent (pour le grand public, la critique, le lectorat habituel) D'artagnan de Juncker ? Ils partagent d'emblée une veine particulière de la littérature française : l'aventure. Pas celle des Stevenson, London et autre Conrad, non, l'aventure à la française, celle qui tourne un peu à la farce, mais dans laquelle le héros sauve immanquablement la patrie en danger. Que l'on comprenne bien ici que réussir à mener ce type d'aventure n'est pas chose courante, Blain et son Isaac symbolisent pour moi parfaitement cette réussite épique et gaudriolesque. Juncker avait déjà tranformé l'essai avec son Malet, peut-être un brin trop historique pour moi, même si une nouvelle fois menée très adroitement. Ici, avec D'Artagnan son talent prend une autre envergure, les personnages si familiers de notre littérature prennent des atours plus travaillés, moins lisses, les héros se fissurent et laissent place à des hommes simples qui pensent quequette, honneur bien entendu, mais aussi denier, noblesse, bagarre et apparat.
La patte Juncker se précise dans le traitement très simple de l'histoire, peu d'invention graphique mais un dessin sans faille, qui ne se refuse aucune difficulté et réussit parfaitement à nous embarquer. Voilà pour D'Artagnan, voilà pour Juncker, voilà pour Angoulême, enfin, je peux me tromper aussi.

mardi 9 septembre 2008

Kokayi - Mass instructions

Voilà l'une des raisons qui m'ont fait me jeter dans le Hip-Hop il y a un peu plus de dix ans, non pas ce disque, mais la collaboration de l'ex-groupe de Kokayi, les Metrics, futurs Opus Akoben. Sur A tale of 3 cities le groupe explosait littéralement aux côtés de Steve Coleman dans un exercice rap-jazz de toute beauté, les improvisations des trois membres de Metrics, Sub Zero, Shahliek et Kokayi démontraient à tout instant la richesse de leurs flows respectifs, comme des trompettistes bop qui s'exciteraient sur la gamme. Bref, les groupes Metrics puis Opus Akoben enterrés (leurs membres diraient le contraire...), on n'attendait pas grand chose du premier album solo de Kokayi. Et pourtant, sans être l'opus du siècle, il se glisse parmi les 12 titres plus de pépites qu'il n'y parait à la première écoute. D'évidence Mass Instructions pêche par trop d'éclectisme, 13 tracks réserrées comme ici ne nécessitaient pas les détours que s'autorise l'artiste du côté du rap commercial, des rythmes caraïbes ou d'un son un poil trop dépouillé par instant.
Malgré tout Kokayi reste ce emcee monstre, formé à l'art de la scène et capable de tout avaler en un couplet, témoin cette tuerie syncopée que vous n'entendrez jamais à la radio, featuring Rona Rawls et sur laquelle Kokayi démontre et prouve à tous les jeunes coq que le vieux lion est bel et bien là :

STRESS!! (featuring Rona Rawls) - KOKAYI

Cadeau bonus :

samedi 6 septembre 2008

Hardkandy - Second to none

Troisième album du groupe anglais Hardkandy et du desormais tout seul au sein du band Tim Bidwell, Second to none est une pépite soul complétement inattendue. Des disques précédent, seul la collaboration avec Terry Callier m'avait paru digne d'intérêt, le reste demeurant le plus souvent noyé dans un son nu-soul pas très élaboré. Avec ce disque je vous le dis direct la donne change. Tim Bidwell distribue les cartes à quelques featurings totalement inconnus pour moi : Martin Harley, Laura Vane and Sean Clarke, mais surtout, il base toute sa musique sur celle d'un génie disparu cet été : le regretté Isaac Hayes. L'influence est majeure, pourtant pas grossière se ressent comme une anticipation géniale d'un hommage au son man of Stax. La même utilisation des cordes, des basses toniques et frappées, le climat blaxploitation qui se dégage de titres comme dunks ou Overkill, si c'est pas de l'hommage ça....
En tout cas, et pour abréger un peu les choses, Hardkandy ressemble à s'y méprendre à un groupe de maintenant qui aurait parfaitement compris comment marchait le r'n'b à papa des 60's et la soul cosmique des 70's. Prince n'est pas très éloigné non plus.
Je cherche des titres à vous proposer, pour l'instant contentez-vous de Dunks, mais surtout, Elevation et The Good and the bad sont deux pures tueries et en écoute sur le myspace (en fait non, les titres ont changé...) du groupe, toujours en cliquant sur le titre de cet article.


Dunks - Hardkandy

Ps : "Hey Lover" sonne comme si Aretha remettait ses cordes vocales en jeu, 1969, c'est la chanteuse la plus balèse du monde. Enfin.

mercredi 3 septembre 2008

Jazz vs rap ?

Il y a comme un fantasme dans le milieu de la critique musical (pour le coup, "milieu" prend ici tout son sens, le milieu du moyen, le sens commun quoi) qui consisterait à croire ou à vouloir croire que rap et jazz sont fait pour s'entendre. Sans aucun doute, leur essence est la même, tous deux sont urbains, marqués par les grandes métropoles américaines, scarifiés par un apartheid réel, qui continue de confiner les communautés dans des blocs à part. Quelque part je dirais bien que l'amérique débloque quand elle chapotte de telles saloperies mais le Solaar sur mon épaule veillerait alors trop sur moi. Ne pas risquer qu'il prenne la plume tout de même.
Je disais que rap et jazz devaient nécessairement s'entendre. Ben oui, les rappeurs "y font que piller les vieux standards be-bop !" Hum, et puis regardez comme la critique sociale est au centre des enjeux du jazz tout comme de ceux du Hip-Hop ! Pour le coup le critique qui sommeille en moi avec Mc Solaar sur son épaule a plutôt raison : Jazz et Hip-Hop, même combat. Fight for power et Malcom X, et Public Enemy, et Rodney King et Fable of "ce salaud de " Faubus, et les droits civiques, le Bronx en flamme, tout ça c'est bien du jazz et du hip-hop. Mais alors que je dégage le critique de mon épaule j'ai presque envie de dire que le rap n'existe pas alors, qu'il est le jazz et point barre. Là encore, hum. Je peine à imaginer Charlie Parker en baggy-bagouses-bagnoles-bat-girl, non ? Et Miles alors ? Hum, mauvais exemple...
De toute façon le hip-hop c'est de la soul ! Regardez mieux Isaac Hayes et son cercueil fermé par une grosse chaîne en or, et ses colonnes de violons qu'il a faites ériger de part et d'autre de son mausolée. Saint Isaac était hip-hop, plus que Miles et John, et François maintenant, et qu'Yves aussi. Le Hip-hop c'est de la soul, d'ailleurs, regardez "comment y pillent tout le catalogue Stax, Motown et Atlantic les rappeurs" ! Ouais ! Mais moi ce qui me saoule c'est que la soul rende l'âme noire dorée alors que le Hip-hop l'ôte, cet or, pour y mettre un peu de ce jazz aussi.
Il y avait donc (avant que j'écrive ça) un consensus mou, une certaine critique qui voulait affreusement relier le Jazz au rap, en faire une unité. Bah tiens, ça, c'est réglè.
Sans rire, le jazz s'invente surtout boderline, le meilleur du Hip-Hop aussi, quoique sa veine pop soit tout aussi riche et variée (enfin, c'était vrai pendant 20 ans, ça l'ets nettement moins maintenant). Il y a donc un rap qui combine ses propres éléments urbains, sa modernité et ce sens inné qu'ont les grands improvisateurs, cette capacité à confronter la musique à un mur d'incompréhension, ce même mur défoncé il y a presque 50 ans par ce grand génie d'Ornette Coleman. Hip-hop et jazz se rencontrent vraiment face à ce mur, ça donne le "Only" de Beans chroniqué dans ces colonnes, mais ça ouvre aussi vers une facture plus classique de live band, je pense ici à IsWhat?! et à Soweto Kinch, deux groupes féroces, respectivement new-yorkais et londonien et qui savent mieux que quiconque actuellement hériter de la musique des grands seigneurs de la guerre des droits civiques mais aussi la réinventer dans un fouilli de percussion et d'abrasion textuelle. Il faut écouter comme Napoleon Maddox écrit, et crie ! ses textes fourmillants de mille sens et jeux de maux. Il faut écouter Soweto Kinch lorsque son saxophone appelle sa partition de storyteller, quand il raconte ses tours à travers des contes à ne pas dormir du tout. Ou alors des contes à danser et à écouter.
Soweto Kinch a tout juste trente ans, joue du saxophone comme si sa vie en dépendait, invente des rimes absolues, propose une musique difficile, assonnante, faîte d'urbanité et d'invention. IsWhat?! est plus consensuel, au moins dans ce deuxième opus "The life we chose", mais il faut quand même écouter la reprise de Kashmir, c'est du grand art. Malgré tout "Ill Biz" est à l'image du disque, un titre classique dans sa facture, efficace, mais surtout pas assez aventureux alors qu'explicitement politique et attaquant sans vergogne la présidence américaine.





Kashmir - Iswhat?!

Un ttre du premier disque de Soweto Kinch :
Good Nyooz - Soweto Kinch


http://www.iswhatmedia.com/

Ps : en me relisant je me rends compte que je n'ai pas assez rendu grâce au travail de Soweto Kinch dans son deuxième album "A life in the day of B19 : tales of the tower block". Franchement, ce disque est une petite pépite, rien que l'enchaînement "A friendly game of basketball", "everybody raps" et "Who knows" vaut plus que 99% du hip hop d'aujourd'hui. On y entend la rue, les voix de différnets protagonistes, ça rappe un peu, on retrouve le rythme, une battle commence, c'est vivant quoi. Hip hop et jazz en même temps, c'est possible oui.

Allez donc faire un tour ici :

http://www.myspace.com/sowetokinch