jeudi 11 décembre 2008

Katsuhiro Otomo - Anthology

Avec Akira, Otomo est pour beaucoup d'entre nous européens le premier auteur à nous avoir fait pénétrer le monde du manga adulte, en regard immédiat avec le monde plus infantile d'Akira Toriyama. De toutes les manières, l'évidence qui frappait en regardant ces dessins et surtout en lisant ces histoires, outre le grand nombre de pages qu'elle occupaient, c'était l'évidente qualité de ces travaux, la richesse et le fourmillement des histoires, des mondes crées. Otomo frappait fort avec Akira en mettant en image d'une part un univers post-apocalyptique relativement cohérent mais le tour de force consistait d'autre part à y adjoindre une reflexion sur l'adolescence et ses mutations de première valeur. Le questionnement prenait en compte la relation au sexe, aux drogues, à la violence, l'autorité, bref, 6 tomes qui circoncrivaient parfaitement les aspirations des jeunes lecteurs que nous étions.
Mais Otomo c'est aussi une frustration de lecteur parce que cet auteur brillant, indépassable par certains aspects, cet auteur là a très peu produit. On connaissait Dômu, noir thriller très brillant et c'est tout. Alors quand Kana propose cette anthologie de récits plus ou moins courts parus avant l'avénement Akira, le lecteur que je suis et premier fan n'en finit plus de jubiler.
Il y a à boire et à manger dans ce recueil et comme souvent dans pareil ouvrage le pire cotoie le meilleur. L'éditeur a eu l'excellente et lumineuse idée de réunir en postface les explications brêves mais clarifiantes d'Atomo sur ces récits. Il est amusant de constater que lui aussi reconnait la faiblesse de certains, leur vacuité par moment ou bien encore que Moebius fût à l'origie de l'un d'entre eux, Flower. J'avoue quand à moi que c'est lorsqu'Otomo avoue son incapacité chronique à terminer un récit que ce recueil prend le plus de sens. Car non, Akira n'est pas fini, ou en tout cas il manque certaines substances pour etayer la toute fin. Mais c'est aussi le sel de cette histoire, les cases que le lecteur remplit avec abnégation, aux fils des lectures et des âges qui les accompagnent. J'aime à penser que ce qui sous-tend une histoire est son origine même, son idée directrice. La force des grands auteurs est de nous emmener un peu plus loin au delà de cette idée même. Otomo ne fait rien d'autre et ce qu'il livre comme un défaut est surtout une qualité à mes yeux.
Malgré toute l'hétérogénéité de cette anthologie, un titre emmerge par sa force intrinsèque et par la puissance de son traitement : "Fire ball". On y trouve déjà tous les ingrédients d'Akira, le contrôle des esprits, une rebellion, et puis beaucoup de science-fiction, une sensation délicate d'un futur possible. Bref une histoire qui vaut à elle seule l'achat du bouquin tant elle permet de remettre un pied dans des émotions qu'on croyait enterrées aux années 90, un peu comme si on nous livrait maintenant la suite inédite de Smell like teen spirit.

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