jeudi 26 février 2009

The Vodoun effect & African scream contest

Deux compilations sorties en fin d'année dernières attestent encore et toujours de l'extrème qualité et de la vitalité incroyable de la musique africaine dans les années 70. J'avais pris l'habitude de me focaliser sur la Guinée, ses orchestres nationaux improbables, le Bembeya, la Paillotte, Balla et ses Balladins, tout cela sonnait et sonne encore comme une pop africaine délicieusement acidulée, la musique de bal de l'Afrique de l'ouest. J'avais oublié l'immense intérêt provoqué par les ensembles béninois et togolais de la même période. Il y a une nourriture funk derrière ceux-là, un groove instinctif piqué à James Brown et à Parliament et Sly Stone, une volonté de faire les corps se déchausser en d'incroyables transes-atlantique (hum). "The Vodoun effect" et "l'African scream contest" rassemblent les enregistrements de groupes locaux complétements inconnus pour la seconde, et une selection de titres imparrables de l'Orchestre Poly-Rythmo de Cotonou pour la première. Une nourriture vaudou comme base commune à un funk endiablé ou une autre façon de nourrir le funk gorgé de soul & gospel Afro-américain.
Le Poly-Rythmo, c'est de la fête à la demande, une qualité musicale optimale avec ses musiciens en transe permanente, emmenant le rythme africain au plus près du groove du godfather. A tel point que même Fela les aurait invité au Shrine au temps de sa splendeur, mais trop politisé, le poly-rythmo refusa poliment l'invitation.
Découvrir ses perles en 2009 c'est comprendre l'immense volonté de liberté qui habitait l'Afrique dans les années 70, ce sentiment nouveau d'un futur accessible à tous ces peuples meurtris par la colonisation. Ces deux compilations sont les lendemains qui chantent, et Analog Africa aura fait un travail impeccable de collecte et de selection en proposant des enregistrements techniquements irréprochables, deux livrets riches en propos et en explications factuelles, en bref, un super boulot dont le résultat est un irrésitible groove africain préscrit à haute dose par tous les sorciers vaudous de l'Afrique de l'ouest.









Gbeti Madjiro - Orchestre Poly-Rythmo De Cotonou

lundi 23 février 2009

Dr. Who Dat? - Beyond 2morrow


Le dernier album de Dr. Who dat ? aka Shape of broad minds aka Jneiro Jarel, a paru le 13 janvier dernier sur Lex records, et à mon plus grand damn uniquement en digital (arg !). Si son opus précédent sous ce pseudo m'avait d'emblée subjugué, c'était surtout pour la richesse invraisemblable de ses instrumentaux qui conviaient en une suite légère des inspirations brésilienne sur un canevas de pur hip-hop. Le ton change désormais avec ce court album qui évoque davantage les expérimentations de Shape of broad minds que l'univers du Dr. Il fallait s'y attendre avec tous ces pseudos, voilà que toute la musique s'emmèle.

En vérité "Beyond 2morrow" est un album encore une fois à la pointe et qui défriche peut-être moins spéctaculairement que les précédents disques un hip-hop instrumental on ne peut plus attractif ces dernières années. Des dubs hip-hop de Ras G j'usqu'au son inimitable et synthétique de Flying Lotus (auteur de l'album hip-hop de l'année passée, comme vous ne l'avez pas lu en ces lignes) et en passant par les dernières livraisons de Madlib avec ses Beat konducta 5 &6 , le hip-hop instru aura su renouveler complétement ses ambitions au cour de la dernière décennie. Le Dr. Who Dat ? appartient définitivement à cette catégorie de producteurs et autres faiseurs de beats avec Beyond 2morrow. Certes l'originalité qui avait conféré à Beat Journey un tour particulier semble ici éloignée, mais la qualité des beats est toujours là, avec une ambiance electro beaucoup plus pregnante qu'auparavant.

vendredi 20 février 2009

Q-tip - J.Period


"The Renaissance" de Q-Tip l'année passé avait d'emblée annoncé la couleur : il fallait toujours compter avec le dinosaure d'A tribe called quest, great ! Alors franchement, comme en ces temps de téléchargement et autres libertés world-connectées on n'a jamais vraiment assez de musiques à écouter (mais ça se soigne me dit-on), c'est une chance pour nous autres de passer encore un peu plus de temps avec la voix la plus robotique du rap doublée du lyricist le plus voyageur de notre planète Hip-hop. Il y a donc cette mix-tape de proposée en téléchargement légal sur le site de J.Period, et franchement, je vois pas bien pourquoi on s'en passerait.

Il semblerait ceci dit que seul le nouveau lien fonctionne sur le site, lien que vous pourrez suivre en cliquant sur le titre de cet article.

Le tracklisting histoire de saliver :

1. J.Period f. Prince Paul, Questlove & Randy Watson– Rhythm (Scratch Intro)
2. Cannonball Adderly / Excursions Intro
3. J.Period f. De La Soul – Excursions (Tribute Remix)
4. Aquarius Interlude #1: Welcome
5. Q-Tip f. Busta Rhymes – Getting Up (DJ Scratch Remix) (The Renaissance)
6. Behind the Scenes: Ghetto Origins [Produced by J.Period]
7. What the Fuss f. Stevie Wonder (Shook Remix)
8. Queens Represent (Interlude)
9. Mobb Deep f. Nas & Q-Tip – Give Up the Goods (J.Period Remix) [Produced by Q-Tip]
10. Apache – Gangsta Bitch [Produced by Q-Tip]
11. ATCQ – If the Papes Come (Intro)
12. ATCQ – Check the Rhime
13. Behind the Scenes: Don’t Walk Away (Interlude)
14. ATCQ –Award Tour
15. Behind the Scenes: Award Tour (Interlude)
16. Hot Butter (Interlude)
17. J.Period f. Dres - Jazz Pt. 2 (Tribute Remix)
18. Behind the Scenes: We Got the Jazz (Interlude)
19. J.Period f. Blu– Jazz (Tribute Remix)
20. Skypager: Bob Power & Big Daddy Kane (Interlude)
21. Q-Tip f. Jay Dilla – Let’s Ride
22. Behind the Scenes: Bob Power You There? (Interlude)
23. Q-Tip – Vivrant Thing (Remix)
24. Q-Tip – Move (The Renaissance)
25. Q-Tip – Breathe & Stop (J.Period Remix)
26. Respect to Phife Dawg (Interlude)
27. J.Period f. Consequence & Kid Cudi – Buggin Out (Tribute Remix)
28. ATCQ Consists Of…
29. Behind the Scenes: The Native Tongues (Interlude)
30. De La Soul f. Jungle Brothers, Q-Tip, Monie Love & Queen Latifah – Buddy (Remix)
31. Respect to Ali Shaheed Muhammed (Interlude)
32. Q-Tip f. Busta Rhymes – N.T.
33. A Message From Talib Kweli
34. J.Period f. Questlove, Talib Kweli & Randy Watson – Youthful (Tribute Remix)
35. Q-Tip f. Amanda Diva – ManWomanBoogie (The Renaissance)
36. Chris Rock: Men vs. Women (Interlude)
37. De La Soul f. Q-Tip – Saturdays
38. De La Soul f. Q-Tip & Phife – Saturdays (Remix)
39. Q-Tip – She Likes to Move (J.Period Remix)
40. Dee-Lite f. Q-Tip – Groove Is in the Heart
41. Beastie Boys f. Q-Tip – Get it Together
42. Behind the Scenes: What Is Kapelka? (Interlude)
43. J.Period f. Skillz, Questlove & Randy Watson – What? (Tribute Remix)
44. Behind the Scenes: Busta Rhymes / Scenario (Interlude)
45. Busta Rhymes – Scenario (Unreleased Demo Tape)
46. Behind the Scenes: Hood R.I.P. (Interlude)
47. Hood – Scenario (Remix)
48. Aquarius Outtro
49. Behind the Scenes (Bonus): Reinvention (Kamaal the Abstract – A Million Times)

mercredi 18 février 2009

Invincible - Shapeshifters

Detroit en 2008, c'est pour beaucoup la fermeture des historiques usines de construction automobile ou tout au moins la mise au chômage de milliers d'ouvriers. On aurait tort d'y voir autre chose de toute façon. Detroit est la ville industrielle archétypale et qui évolue de même en un ensemble lié chômage-paupérisation-marginalisation. Et encore une fois, tout le monde pourrait s'en branler ça n'y changerait rien. Shapeshifters ou les ouviers du changement, la preuve que certaines choses ne sont pas immuables et pour qu'elles évoluent, autant s'appeller Invincible, être une fille au micro et s'assurer enfin que les mots portés marqueront durablement les exprits d'une ville sclérosée.
je suis passé à côté de ce disque à sa sortie mais pas à côté de Detroit. Voilà une ville qui oppose à la toute puissance du son new-yorkais une alternative inédite et initiée il y a presque deux décennies par le regretté Jay-Dilla. En 2008 à Detroit, Black Milk aura prouvé à qui veut bien écouter qu'il était le producteur le plus en forme du moment en produisant pelle-mèle son propre album "Tronic", sorte d'hybride electro-soul très mal rappé mais d'une puissance sonore rare, "The Preface" d'Elzhi vraiment réussi, l'ex-Slum Village s'emparant du mic à l'ancienne, revendicatif, exploitant l'esprit de clan, du crew de D-troy et figurant un réél bol d'air l'année passée. Mais Black Milk s'est également illustré aux côtés de Guilty Simpson pour un album plus convenu, a produit quelques tracks sur le "Pro tool" de GZA et si 2007 avait embrouillé ses auditeurs en diversifiant ad nauseam ses productions pour le meilleur et pour le pire, 2008 l'a rendu homogène dans ses oeuvres en rendant une copie quasi parfaite, équilibrant avec justesse l'archétype de son de Detroit, héritage du grand Motown et de la toute puissance électronique. Ouf.
Sur ce "Shapeshifters" d'Invincible, Black milk est fort adroiteemnt en retrait tant la puissance de la jeune lyriciste éclate sur ce disque. Sorte de Bahamadia blanche croisée avec le meilleur de l'émotion d'une Keny Arkana qui s'éparpillerait moins, Invincible a la toute grande classe. Son disque est une accumulation de bonnes pistes et on se garderait de compter le nombre de bons tracks tant l'album est riche dés l'entâme et son introductif "State of emergency" qui pose d'emblée le ton à l'ultime "Locusts" en compagnie de l'éclatant Finale et qui convoque ces armées de sauterelles comme le nuage définitif qui s'abât sur le désoeuvrement de la Motor-City. Et en oubliant pas au passage l'énorme morceau-titre, "Shapeshifters", sur lequel le flow metronimique d'Invincible fait rage et constitue l'apothèose de l'album.
Voilà la preuve parfaite que le Hip-Hop peut encore et toujours dire les choses en 2008, qu'il a son propre discours, que ses rappeurs sonnent souvent le glas aux idées reçues comme personne dans le business musical, qu'une femme comme Invincible s'empare du mic et ravage les certitudes, sans le bling de MTV mais avec toute la foi d'une ville qui ne finie pas de crever.
Deux choses en lien, d'abord l'excellente chronique de Naïma sur Hip Hop Core http://www.hiphopcore.net/chroniques/663-invincible-shapeshifters.html
Et ensuite le myspace d'Invincible en cliquant sur le titre de cet article, mais aussi le myspace de Finale, fantastique emcee qui casse tout sur "recognize" et "Locusts" et dont il semblerait qu'il faille compter avec lui prochainement : www.myspace.com/finale


Sledgehammer! official video

mardi 17 février 2009

Nik Cohn - Triksta

Il y a un manège auquel je participe souvent dans les transports en commun, je repère un usager en train de lire un bouquin, j'essaye de ne pas tomber sur le Da Vinci Code et un énième avatar de Millenium-mes couilles et, alors que le foule du tram me rapproche insensiblement vers le lecteur et son potentiel trèsor, je jette toute mon attention par dessus son épaule et parcours les pages immédiatement visibles. Si l'essai est transformé, je note le titre ou le nom de l'auteur, enfin, ce que j'arrive à reconnaître. C'est ce qui s'est passé avec Triksta. Un mec assis juste devant moi, l'air d'un étudiant en fac de Lettres, absorbé par des pages où se mélaient rap, Nouvelle-Orléans, studio, gangsta, et foule d'autres indices propices à mon évanescence en ces lignes.
Nik Cohn, je ne le connaissais que de nom, le type qui a inventé la critique musicale embarquée dans les années 60 et 70. Un journaliste anglais qui mélait son propre ressenti à ses chroniques. Il vivait avec le groupe, les Stones, les Who, mais aussi la vague Punk de 76 et 77, l'archétype du gonze qui me branche dans ce métier, qui ne se contente pas d'enfiler les perles.
Nik Cohn est amoureux de la Nouvelle-Orléans, pourquoi pas. Voilà une ville des USA, la synthèse archétypale du Sud dans ce qu'il a de plus dirty, un sud de fantasme, musicien mais ségrégationniste, leger et futile mais dans le même temps d'une pauvreté tiers-mondiste, un Sud das lequel les infrastructures sont inexistantes, qui laisse crever une population majoritairement noire dans un bourbier on ne peut plus éloigné dans hautes structures du néo-libéralisme triomphant à New-York ou en Californie. La Nouvelle-Orléans est cette ville au passé musical invraisemblable, ville de carnaval, de melting-pot, la ville deep-soul par excellence.
Un soir alors qu'il rentre à son hotel, Nik Cohn est frappé par cette ville qu'il ne reconnaît plus, il flippe à mort et décide de se confronter à ses peurs et se rendant à pied dans un district à majorité noire. Il ne met pas longtemps avant d'âtre repéré par des gangtas en herbe, ceux-ci l'entourent tandis que ses intestions sont près à lacher. Les phares d'une voiture le sauvent in extremis. Il en est quitte pour seulement une grosse frayeur, sa plus grosse frayeur. Et voilà pouruqoi Nik Cohn est un type assez incroyable, ce mec a parcouru le globe en compagnie des plus grandes stars du rock, il a accompagné ce mouvement, mais cette peur invincible, voilà qu'elle le tenaille et qu'elle l'empêche même d''apprécier la Nouvelle-Orléans, sa ville. Alors il se prend par les couilles (au sens propre du terme) et cherche à se confronter aux rappeurs, à la Bounce (ce hip-hop propre au dirty south qui mèle au beat triggerman (du nom de son créateur) des paroles ultra-sexuelles, c'est la musique des block-party, celle où le emcee engage la prtie féminine à balancer ses hanches, à montrer ses seins, à "emancher" comme des furies, voilà l'état de ce qui marche à la Nouvelle-Orléans), en gros il veut vaincre sa peur par le mal. Si tu ne supporte pas l'alcool, tu n'as qu'à boire que du rhum.
L'intérêt de ce bouquin est qu'il intervient avant Katrina et nous montre déjà une ville dévastée. La mort intervient chaque jour en emportant de l'adolescent dans une épicerie au chef de gang camé pour dix générations, de la grand-mère victime d'une balle perdue au grand prêcheur de la bounce Soulja Slim. Et tout le monde s'en fout, cette ville est morte, elle n'est là que pour le quartier français, les hhabitants des quartiers peuvent bien crever. C'est dans ce climat que Nik Cohn va tenter de produire des jeunes artistes et ainsi se confronter de tout son être aux difficultés inhérentes au business du rap. Les artistes ne viennent pas, ne pensent qu'à conduire un grosse caisse, à remplacer leurs dents en or par du platine, ne voient leur horizon qu'à l'aune d'une tournée des boîtes de Virginie. Atlanta, Bâton-Rouge, peut-être un bout de la Floride et voilà. Et petit tour et puis tu meurs.
Nik Cohn n'aura rien produit jusqu'à Katrina, tout juste aura-t-il partiellement réussi à affronter sa peur du noir, l'ouragan n'y changera rien, les cadavres gonflés par les torrents de boue deversées par le Mississippi déchaîné resteront noirs, et ni les fonds fédéraux, ni la bienveillance d'une poignée d'acteurs du business du rap n'y changeront rien, cette ville est morte.
"Je me suis souvenu de Kerry, une chanteuse avec qui j'étais sorti quelque trente ans plus tôt, comment un matin, bien défoncés, après avoir fait l'amour, elle avait ironisé sur ma collection de disques, les affiches aux murs, tous les artefacts noirs que je croyais miens. Une vitrine, voilà ce que c'était selon elle, et elle avait saisi ma main pour la poser sur sa poitrine. Ca aussi, avait-elle dit. Elle était dans mon lit, dans mon monde ; et c'était du pipeau. Attends qu'on t'amène dans le ghetto, qu'on te pousse contre un mur, et on verra comment tu te sens. Tu te transformerais d'un seul coup en un pauvre Blanc du Sud, en raciste, m'avait dit Kerry. Naturellement, j'avais refusé de la croire. D'autres Blancs, peut-être ; pas moi. Ce poison, il ne pouvait être en moi. Et pourtant il y était."